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L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES POUR LA VALIDATION DES ACQUIS DE L’EXPÉRIENCE (VAE)

Un exemple d’accompagnement des Aides à Domicile dans le cadre du Diplôme d’État des Auxiliaires de Vie Sociale (DEAVS)

CONTEXTE

Cet article s'appuie sur un dispositif de Validation des Acquis de l'Expérience mis en ouvre pour une population d'aide à domicile. Il offre une réflexion sur les problématiques liées à l'accompagnement des candidats et sur le positionnement des accompagnateurs.

Depuis quelques années, l’accompagnement comme modalité de mise en oeuvre d’une nouvelle pratique, a envahi différents champs professionnels, débordant ceux dans lesquels il était traditionnellement reconnu jusque là : les secteurs du travail social et de l’aide thérapeutique. Aujourd’hui, l’accompagnement est une pratique qui se développe de plus en plus dans le champ de la formation, sous différentes formes, individuellement ou collectivement, et sous diverses appellations, dont certaines sont parfois plus valorisées que d’autres, tels le coaching ou le conseil. Ces différents modes d’accompagnement ne sont pas toujours explicites, recouvrent des réalités diversifiées et il n’est pas toujours aisé de se retrouver dans toutes ces pratiques, d’autant que l’accompagnement relève de différents champs disciplinaires et que son exercice tend à brouiller les frontières entre ces champs. Il est apparu récemment dans un secteur qui relève de la formation, tout en s’en distinguant, du fait des objectifs poursuivis et des modalités de sa mise en œuvre : il s’agit de l’accompagnement des personnes s’engageant dans une démarche de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). La Validation des Acquis de l’Expérience est un droit individuel inscrit au livre IX du code du travail et dans le code de l’éducation par la loi de modernisation sociale. « Toute personne engagée dans la vie active a le droit de faire valider les acquis de son expérience en vue de l’acquisition d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle, ou d’un certificat figurant sur une liste établie par une commission paritaire nationale de l’emploi, enregistrée dans le Répertoire National des Certifications Professionnelles. » La VAE est un acte officiel de reconnaissance de compétences professionnelles, via la mise en œuvre d’une procédure de vérification, d’évaluation et d’attestation des compétences d’un candidat par un jury. Le jury peut délivrer tout ou partie du diplôme si le candidat répond aux exigences requises et peut attester de compétences acquises lors de l’exercice d’activités rémunérées ou bénévoles. Supervisant une équipe de professionnels engagés dans l’accompagnement de personnes en VAE, il nous est apparu intéressant d’analyser cette expérience pour partager quelques réflexions concernant les problématiques liées à l’accompagnement, en prenant notamment en compte les problématiques spécifiques rencontrées par les accompagnés et celles auxquelles les professionnels qui les accompagnent doivent faire face. Cette réflexion s’appuie sur une expérience qui a démarré en 2003, à l’AFPAM2 : 4 sessions d’accompagnement ont eu lieu, et, à ce jour, près de 200 aides à domicile ont été accompagnés dans cette démarche de validation des acquis de leurs expériences dans le cadre du Diplôme d’État d’Auxiliaire de Vie Sociale (DEAVS). Pour les métiers de l’aide à domicile, les candidats doivent constituer un dossier à présenter à un jury et soutenir ce dossier à l’oral. Ils bénéficient d’un accompagnement de 24 h pour effectuer ce travail.

LE CHAMP DES SERVICES DE L’AIDE AUX PERSONNES

Ce nouveau droit est apparu comme particulièrement important pour les institutions et les professionnels oeuvrant dans le champ de l’aide aux personnes. Ces nouveaux services qui tendent à se développer et à se structurer d’une façon très importante depuis une dizaine d’années, au point de faire dire au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale que ce secteur ouvrait des perspectives de plusieurs milliers de création d’emplois d’ici les prochaines années, est particulièrement concerné par cette nouvelle loi. En effet, ce secteur emploie traditionnellement des personnes peu qualifiées pour exercer un emploi considéré par beaucoup, comme étant de l’ordre du ménage, et, de ce fait, ne requérant que peu de compétences et de qualifications. Cependant, quelques pionnières3 ont démontré que ces emplois sont plus complexes qu’ils n’y paraissent, et la validation des acquis de l’expérience offre pour la première fois à des milliers de personnes (en grande majorité des femmes), la possibilité de faire valider et reconnaître des capacités et compétences souvent acquises dans l’exercice de leur emploi. La VAE offre donc une double opportunité :
Celle d’aider le secteur des services à domicile à poursuivre son travail de structuration et de professionnalisation d’un champ professionnel en plein développement,
Celle de permettre à des personnes exerçant parfois depuis plus de 20 ans, de faire valider des compétences acquises en situation de travail et de les faire reconnaître au niveau professionnel (dans le cadre des grilles de classification et de rémunération des emplois).

LA DÉMARCHE D’ACCOMPAGNEMENT DES AIDES À DOMICILE

La population des aides à domiciles

Bien que ses origines soient à rechercher dans différentes catégories socioprofessionnelles et qu’elle présente une grande hétérogénéité en matière de niveau de formation, la population des aides à domiciles est constituée pour une grande part, de personnes ayant un niveau de formation inférieur ou égal au CAP/BEP4 et beaucoup de ces personnes d’origine étrangère, ont effectué leur scolarité dans leur pays d’origine5 . Certaines de ces personnes ont des difficultés à maîtriser la langue française, notamment à l’écrit. La plupart des personnes ont été recrutées sans formation et sans qualification particulière au regard de l’emploi qu’elles exercent, et se sont « auto-formées » en pratiquant, s’appuyant en cela sur leur bon sens, leur pragmatisme, leurs repères socioculturels, leurs habitudes familiales, leurs représentations de la façon d’aider les autres. Certaines, employées par des associations ayant structuré leur organisation interne de façon à professionnaliser leurs intervenantes, ont bénéficié de formations liées à leur emploi. Mais, pour une grande majorité, ces personnes n’ont pas suivi de formation, de même qu’elles ne sont que trop rarement accompagnées à prendre de la distance et à analyser leurs pratiques professionnelles, car l’exercice de leur métier dépasse largement les aspects techniques. Elles sont souvent dans l’action, s’investissent dans la relation avec les personnes aidées dans des registres qui peuvent relever de dimensions professionnelles, mais aussi amicales et familiales. Ces personnes sont également souvent seules à gérer des situations qui peuvent être difficiles et à forte teneur émotionnelle.

Nature du travail à accomplir dans la démarche VAE pour le DEAVS

Il est intéressant de noter que, quelles que soient les qualifications concernées, la démarche de validation des acquis s’effectue essentiellement sur la base de la présentation d’un dossier et sa soutenance devant un jury. Pour le métier d’aide à domicile, cette démarche nécessite que les personnes soient capables d’analyser leurs expériences passées et présentes, qu’elles puissent déduire de celles-ci, les capacités et compétences qu’elles maîtrisent et enfin qu’elles les transcrivent dans un dossier. Ceci pose plusieurs difficultés au regard de la population et du type de travail attendu, notamment du fait de la complexité de la démarche intellectuelle à mettre en œuvre dans le travail d’identification des compétences.

La démarche intellectuelle

Pour effectuer ce travail, les personnes doivent partir de leurs expériences ayant un lien avec l’emploi d’aide à domicile, afin d’analyser les activités qu’elles mettent en œuvre puis d’en déduire les capacités et compétences qu’elles maîtrisent. Elles doivent passer d’un registre concret et descriptif, basé sur du factuel (les activités professionnelles réalisées), à un registre plus abstrait et conceptuel, nécessitant de mettre en œuvre des capacités cognitives relevant de l’analyse et de la synthèse. Cette démarche, assez complexe, nécessite que les personnes maîtrisent déjà des capacités à :- Prendre de la distance et à porter un regard réflexif sur leurs pratiques,
- Analyser leurs pratiques et les activités professionnelles mises en oeuvre,
- Déduire des capacités et compétences de l’analyse de leurs activités.
Cette démarche est d’autant plus difficile que ces professionnels sont encore trop rarement accompagnés pour réfléchir sur leurs actions au quotidien. Par ailleurs, le travail d’identification des compétences renvoie à une pluralité d’approches résultant entre autres, de la polysémie de ce concept.

La notion de compétence

En effet, il n’y a pas de définition unique de la compétence et les approches qui sont mises en œuvre peuvent être diverses. Ainsi, la compétence peut renvoyer à :
- « Un ensemble stabilisé de savoir »,
- « Une disposition à agir »,
- « Une combinatoire de savoirs, savoir faire, savoir être »,
- « Un ensemble de capacités mobilisées en vue de réussir une action »,
- « La mise en œuvre d’activités clefs »…
Ce qui est sûr, c’est que le travail d’identification des compétences va se faire par un travail d’inférence à partir des activités réalisées. Selon la façon de désigner la compétence, l’approche peut être de dissocier un domaine d’activités en activités, voire en opérations élémentaires observables afin de pouvoir les évaluer, ou bien d’approcher la compétence comme étant une « combinaison dynamique, un arrangement déterminé par un choix, organisé en fonction d’un but, mobilisé par une intention» .
L’approche choisie pour définir la compétence va avoir des incidences sur la façon d’accompagner les personnes à accéder à leurs propres compétences. Dans le cadre des aides à domicile, le dossier de validation des acquis de l’expérience oriente totalement le travail à produire sans que les logiques à l’œuvre soient toujours évidentes et lisibles. Ce dossier demande un premier travail de repérage des activités mises en œuvre par les aides à domicile, avant de leur proposer d’auto-évaluer leurs capacités et compétences.
L’approche est plutôt de type analytique avec cependant une difficulté à lire les liens qui existent entre la partie descriptive des activités, et celle qui concerne la formulation des compétences et capacités. Il y a là, une première difficulté pour les personnes engagées dans la démarche et pour celles qui les accompagnent. Par ailleurs, les notions de capacités et compétences sont toujours référées à la réalisation d’une action réussie, et rien n’est spécifié quant à ce que seraient les critères permettant de définir le niveau de réussite ou le degré de maîtrise des capacités et compétences.
La question peut être posée de savoir si c’est seulement : « parce qu’elles le font, et qu’elles le font depuis plusieurs années, qu’elles le font bien ou qu’elles sont capables de faire ? ». S’il s’avère relativement facile de repérer des critères de réussite pour des activités techniques (ex. : ménage, repassage…), ces critères sont beaucoup plus difficile à identifier pour des activités relevant plus du domaine des relations et du champ social. Celles-ci mobilisent des capacités cognitives et relationnelles en lien avec les valeurs de la personne, son cadre de référence, son « intelligence » de la situation, le sens qu’elle donne aux actes qu’elle pose… Et ces dernières dimensions ne sont pas toujours déchiffrables dans la seule lecture des activités mises en œuvre.

L’ingénierie du dispositif d’accompagnement

Le premier temps de l’accompagnement a été de concevoir un dispositif devant permettre aux personnes d’identifier leurs compétences et de les faire valider auprès du jury. Ce dispositif qui ne pouvait excéder une durée de 24 heures par personne, devait prendre en compte les caractéristiques de la population et la spécificité du travail à réaliser pour accompagner ces personnes. Le parcours qu’elles devaient suivre, nécessitait de passer d’un champ descriptif et concret (description des activités), à un champ analytique et plus abstrait (repérage des capacités et compétences) : du faire à la parole sur l’action (niveau de la description), de la parole sur l’action à la réflexion sur celle-ci (niveau de l’analyse), puis au repérage des capacités et compétences, et à leur écriture (niveau de la synthèse et de la formalisation). Le pari était de trouver des modalités d’accompagnement des personnes qui leur permettent d’effectuer ce parcours, afin de les inscrire dans un véritable processus de repérage de leurs propres capacités et compétences. Dans le cadre de ce dispositif, l’objectif n’était pas d’apprendre à ces personnes à remplir un dossier, mais de profiter de l’opportunité que représentait la VAE pour leur permettre de prendre un temps d’analyse de leurs pratiques, de faire ce travail de repérage de leurs capacités et compétences afin que la VAE s’inscrive dans un processus de professionnalisation et ne soit pas qu’une simple formalité administrative (ce que certains ont pu faire), le dossier n’étant qu’un moyen pour faire valoir leurs compétences. Le dispositif d’accompagnement a visé à aider les personnes à atteindre les objectifs suivants :
- Analyser leurs expériences passées,
- Identifier leurs compétences,
- Formaliser ces expériences et compétences dans un dossier,
- Pouvoir justifier de leurs compétences devant un jury.
L’ingénierie de l’ensemble du dispositif a cherché à combiner des temps d’accompagnement individuel et collectif en permettant aux personnes de travailler dans des groupes de 12 personnes, en sous-groupes de 3 et dans le cadre d’entretiens individuels. Chaque temps de travail s’est inscrit dans le cadre d’ateliers ayant chacun ses objectifs propres et son ingénierie, une progression ayant été définie d’'un atelier à l'’autre, et ce tout au long du processus d’accompagnement. Mais le dispositif ne fait pas tout et l’ingénierie, aussi « parfaite » soit-elle, n’efface pas le fait que l’accompagnement est aussi une histoire de personnes ayant à produire un certain travail afin d’atteindre des objectifs préalablement définis. Et ce travail entre accompagnateurs et accompagnés interroge sur le positionnement à prendre.

Les différents positionnements pris par les accompagnateurs

L’hétérogénéité des publics et des circonstances de leur inscription dans la démarche de VAE (certains salariés inscrits à la demande de leur employeur, croyaient participer à une formation ou devoir passer un examen), a largement contribué à diversifier les demandes et les situations auxquelles ont dû faire face les accompagnateurs. Ceci les a conduit à prendre des positionnements divers, qui renvoient à de grands types de profils professionnels : formateur, conseiller, juge, évaluateur, écrivain public… Si les positionnements pris par les accompagnateurs étaient en partie liés à leur profil professionnel initial8 et à leur sensibilité, ils résultaient également de l’impact sur eux du « dit » des accompagnés et, parfois, de la gravité des situations relatées.
Pour beaucoup de candidats, l’engagement dans cette démarche, leurs offrait la possibilité, pour la première fois, de parler de leur travail avec le sentiment d’être écouté par quelqu’un d’attentif et intéressé. Certains ont pu aborder des situations posant un problème grave, amenant l’accompagnateur à sortir de la démarche de VAE pour se positionner sur un champ relevant de l’aide professionnelle, notamment lors du signalement de situations de danger. Voici, parmi d’autres, quelques exemples de positionnement pouvant être pris par les accompagnateurs, et interrogeant sur leur pertinence.

Le positionnement de Formateur

La tentation était grande pour certains, de quitter, parfois, la logique de l’accompagnement, pour être dans le rôle du formateur lorsqu’ils repéraient qu’une ou plusieurs personnes ne savaient pas faire, ou faisaient des erreurs professionnelles. Les temps d’analyse des activités représentaient des moments privilégiés pour leur faire des apports complémentaires ou bien pour les aider à analyser et résoudre les problèmes rencontrés. Par exemple, la question s’est posée pour l’un d’entre eux, sur la manière de réagir face à un professionnel lui expliquant que la personne dont il s’occupe, se perd lorsqu'elle sort et qu’elle ne sait plus rentrer chez elle. Pour l’aider, il a cousu de grands morceaux de tissus sur l’extérieur de son manteau et de ses vestes avec son nom écrit en gros de façon à ce que les gens du quartier l’identifient et puissent la ramener chez elle. Ou bien comment se positionner face à cette autre personne qui dit ne plus savoir quoi faire face à Mr X, qui lui demande chaque jour de lui rapporter 4 bouteilles de vin mais dont elle vous assure qu’il n’est pas alcoolique puisqu’elle ne l’a jamais vu ivre lorsqu’elle se rend le matin à son domicile. Est-il pertinent alors, de mettre les objectifs de la VAE de côté au profit d’une approche plutôt à visée formatrice ?

Le positionnement de Conseiller

Certaines situations rapportées par les aides à domicile, conduisent les accompagnateurs à se positionner plutôt dans un rôle de soutien, d’aide, de conseil. En effet, quel positionnement prendre face à quelqu’un qui vous dit que chaque jour elle passe chez une personne âgée pour lui déposer une baguette qu’elle paye elle-même, parce que cette personne n’a plus rien à manger et n’a plus d’argent. Dire à cette personne qu’elle agit plus en bénévole qu’en professionnelle, qu’elle doit faire un signalement auprès de l’Assistant Social de secteur (alors que le fonctionnement de l’association nécessite que toute démarche officielle soit effectuée par la responsable de secteur, qui, déjà avertie n’a pris aucune décision), que cela ne concerne pas la démarche de VAE ?…Et face à cette autre professionnelle qui dit avoir subi des attouchements de la part de l’homme chez qui elle travaille et qui n’ose rien dire par peur de se retrouver sans travail. Que ce n’est pas grave ? que la personne exagère ? Ou faut-il faire comme si cela ne nous concernait pas ? Ou encore de cette autre qui, à plusieurs reprises a vu la fille de la femme chez qui elle intervient, frapper sa mère… L’accompagnement des aides à domicile offre ainsi l’occasion de révélations, dont certaines relèvent de situations de danger ou de maltraitance. Celles-ci amènent à se poser des questions de conscience morale, de déontologie professionnelle, de place à prendre en tant que « professionnel accompagnant » et même de citoyen, que les accompagnateurs, sauf à être dans une forme de déni de la réalité, se doivent de prendre en compte. Ils sont alors conduits à sortir du cadre de la VAE.

Le positionnement d’Écrivain public

Une des ultimes étapes de validation consiste à présenter un dossier écrit attestant des compétences acquises par les professionnels. C’est à ce niveau de la démarche que se situe, pour les candidats, une nouvelle épreuve. Pour un certain nombre d’entre eux, ayant suivi une scolarité courte, parfois à l’étranger, le passage à l’écrit semble insurmontable, d’autant que le règlement spécifie que le candidat9 doit rédiger seul son dossier. Par ailleurs, le niveau écrit est particulièrement difficile à appréhender par les accompagnateurs car les critères d’évaluation de l’écrit attendu ne sont pas connus. Les questions sont posées de ce que sont « un bon dossier », « un bon écrit », de « comment aider les personnes à traduire par écrit, la réalité de leurs compétences » ? Et souvent, il y a un écart important entre le niveau de rédaction des personnes (qui renvoie bien à leur niveau scolaire initial), et les compétences acquises par celles-ci au cours de leurs expériences passées. À ce stade, certains accompagnateurs ont pu, parfois, se sentir responsables du résultat final et être tentés de prendre la plume à la place des personnes pour écrire sous leur dictée, voire pour traduire leurs pensées, craignant que celles-ci ne puissent obtenir de validation de leurs compétences du fait d’un mauvais dossier écrit.

Le positionnement de Juge

D’autres fois, il a pu également être difficile, pour les accompagnateurs, de garder une certaine distance afin de ne pas porter un jugement moral sur les personnes en fonction des situations qu’elles relataient, certaines de ces situations provoquant spontanément une réaction positive ou négative. Ainsi, en est-il de l’exemple donné par une professionnelle afin d’attester d’une de ses compétences : « La dame est de religion juive. Il faut faire la vaisselle de façon spéciale, avec 2 éponges et 2 éviers, ne pas mélanger la vaisselle sale. Mais quand elle n'est pas là je fais tout comme d'habitude, avec une éponge et sans trier la vaisselle. Ce n'est pas grave puisqu'elle ne le voit pas." Face à cet exemple, la tentation est forte de lui dire que son comportement n’est pas pertinent, qu’elle fait preuve d’un manque de respect, voire d’une certaine hypocrisie puisqu’elle « fait semblant » de respecter certaines règles en présence de la personne, et qu’elle s’empresse de faire à sa manière lorsqu’elle est seule.

Le positionnement d’Évaluateur

L’accompagnateur peut se sentir également fortement sollicité à prendre la place d’un membre du jury face à une personne qui affirme maîtriser une compétence qu’elle n’a pas. Ainsi, une candidate disait avoir des capacités à la fois à « Évaluer le besoin pour les produits de consommation courante (…) », et à « Repérer au quotidien les ressources, les difficultés et les besoins de la personne aidée10 ». Pour illustrer ces capacités, elle avait choisi l’exemple suivant : « L’été dernier lorsqu’il a fait si chaud, j’achetais tous les jours une bouteille d’eau à Mme X. Elle m’en demandait plus, mais je ne voulais pas trop me charger. Comme elle ne faisait rien de la journée, alors une bouteille, c’était suffisant pour elle.» Mais est-ce à l’accompagnateur de valider ou non la maîtrise des capacités et compétences que le candidat a l’intention de présenter au jury ?

EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE

La démarche de VAE est une démarche qui engage les aides à domicile dans un travail complexe et il est important de concevoir un dispositif d’accompagnement dont l’ingénierie soit centrée sur leurs besoins au regard des difficultés de la tâche à réaliser. Par ailleurs, la variété des situations rencontrées, source à la fois de richesse et de complexité, souligne la diversité des positionnements qui peuvent être pris dans l’accompagnement des personnes. L’accompagnateur doit être capable d’analyser la pertinence et la cohérence du positionnement et des postures qu’il prend vis-à-vis de l’accompagné, d’adopter un positionnement pertinent au regard de situations spécifiques et des objectifs poursuivis, de changer de positionnement en faisant appel à une gamme d’attitudes variées en fonction des situations rencontrées. Ainsi, il n’y a pas un type de positionnement idéal, et à chaque fois, il appartient à l’accompagnateur de choisir le positionnement le plus pertinent en fonction de l’analyse qu’il fait de la situation. C’est en cela que l’on pourrait parler « d’Accompagnement situationnel ». Pour contribuer à professionnaliser les accompagnateurs, il peut être intéressant et important de leur offrir un espace d’analyse afin de les aider à effectuer les missions qui sont attendues d’eux. C’est l’existence d’un tel espace, mis en place par l’AFPAM, qui nous a permis d’analyser avec les accompagnateurs, les positionnements et les postures qu’ils étaient amenés à prendre dans l’accompagnement des personnes. Pour terminer cette réflexion, nous tenons à les remercier de leur honnêteté, de leur sincérité et de leur volonté d’améliorer le travail qu’ils ont à accomplir, preuves qu’ils nous ont données au cours des différentes réunions d’analyse de leurs pratiques qui ont été mises en place avec eux depuis le démarrage de ce dispositif d’accompagnement.